« Nous avons trois questions à nous faire :
1) Qu’est-ce que le Tiers-Territoire ? Tout.
2) Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre urbain ? Rien.
3) Que demande-t-il ? Á être quelque chose. »
p.c.c. Emmanuel Joseph Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers-État, 1789
Les activités et les hommes sont, pour l’essentiel, regroupés dans des aires urbaines qui ne relèvent plus, ni des centres historiques, ni de la campagne traditionnelle. Emancipé d’anciennes dépendances, ce tiers-territoire a toutes les apparences d’un fatras : villages préindustriels ; banlieues industrielles ; logements sociaux des années soixante ; lotissements des années soixante-dix ; zones d’échanges et d’activités des années quatre-vingt ; réseaux des années quatre-vingt dix… Constitué au coup par coup, le tiers-territoire a tous les défauts et tous les intérêts pratiques du coup par coup : confinement, étalement, émiettement ; mais aussi transformations, recompositions, substitutions permanentes des équipements, des quartiers et des infrastructures. Les représentations culturelles et sociales du tiers-territoire sont également fragmentées, telles que chaque « quartier », chaque « cité », chaque « zone », revendique une identité locale, une protection solide contre les aires mitoyennes, autant qu’un raccordement efficace aux réseaux. Les interventions urbaines elles mêmes sont segmentées, en réponses aux problèmes posés : résidentialisation de logements sociaux ; requalification de voies urbaines ; reconversion de friches industrielles ; maillage de quartiers ; etc. Ni les pratiques du tiers-territoire, ni ses représentations, ni les interventions qui y sont entreprises, ne préfigurent une gestion globale de la ville contemporaine. Selon toutes apparences, le tiers-territoire ne voudrait pas être autre chose qu’une fédération de villages, fut-elle d’échelle métropolitaine. Dans ce contexte, l’urbaniste n’a plus pour mission la mise en œuvre d’un modèle hégémonique. Il apporte des réponses circonstanciées à des problèmes circonscrits. Tout autant, il lui revient de montrer, d’abord, l’interaction des dispositifs urbains, et ensuite, les incidences d’ensemble d’un projet particulier. Tant dans les missions standards que dans les études transversales, StoA s’attache tout particulièrement aux effets des projets sur les représentations culturelles, sans jamais écarter tout à fait l’hypothèse d’un tiers-territoire qui serait conscient de ce qu’il est, et sûr de ce qu’il veut devenir.